Qu’est-ce que l’alcalose métabolique ?

L’alcalose métabolique est une augmentation anormale du pH des tissus de l’organisme. Cela affecte particulièrement le sang et – par conséquent – l’urine.

Note : lorsqu’on se réfère spécifiquement au sang, l’augmentation excessive du pH est plutôt appelée alcalémie (pH sanguin > 7,40).
L’alcalose métabolique est un trouble acido-basique fréquemment rencontré chez les patients hospitalisés, en particulier ceux qui sont dans un état critique, et est souvent compliquée par des troubles acido-basiques mixtes (nous y reviendrons plus loin).

Ce trouble peut avoir des conséquences cliniques graves, notamment sur les systèmes cardiovasculaire et nerveux central. Le niveau de gravité est en partie déterminé par l’efficacité/efficience du système de compensation de l’organisme.
L’alcalose métabolique est sous-tendue par une perturbation hydro-saline complexe, dont dépend l’apparition du trouble acido-basique.

L’alcalose métabolique peut avoir différentes causes étiologiques, qui s’alimentent mutuellement et aggravent l’état. Comme la résolution du trouble acido-basique dépend de la correction de ces facteurs, il est essentiel de connaître les mécanismes spécifiques afin d’entreprendre l’action thérapeutique la plus appropriée.

Symptômes

Symptômes de l’alcalose métabolique

Les principaux symptômes de l’alcalose métabolique, principalement liés à l’alcalémie, sont les suivants :

  • Vomissements incoercibles
  • Déshydratation
  • Confusion
  • Asthénie

Causes

Causes primaires
Le mécanisme direct de l’alcalose métabolique est l’altération du pH sanguin ; ceci se produit principalement en raison de :

  • Perte d’ions hydrogène (H+), qui exercent une fonction acide, et augmentation conséquente de bicarbonate [ions hydrogénobicarbonates (HCO3-)], qui exercent une fonction alcaline
  • Augmentation indépendante du bicarbonate

Les causes de ces déséquilibres peuvent être divisées en deux catégories, en fonction du niveau de chlorure mesuré dans l’urine.

Chlorure dans l’urine

  • La perte d’ions hydrogène : elle se produit principalement par deux mécanismes, les vomissements et la filtration rénale.
  • Les vomissements entraînent une perte d’acide chlorhydrique (ions hydrogène et chlorure) dans l’estomac.
  • Les vomissements entraînent une perte d’acide chlorhydrique (ions hydrogène et chlorure) dans l’estomac.
  • Les vomissements sévères entraînent également une perte de potassium (hypokaliémie) et de sodium (hyponatrémie). Les reins compensent ces pertes en maintenant le sodium dans les canaux collecteurs au détriment des ions hydrogène (en épargnant les pompes sodium/potassium pour éviter une nouvelle perte de potassium), ce qui conduit cependant à une alcalose métabolique.
  • Les vomissements sévères entraînent également une perte de potassium (hypokaliémie).
  • Diarrhée congénitale aux chlorures : une cause très rare, car la diarrhée est plus susceptible de provoquer une acidose qu’une alcalose.
  • Alcalose de contraction : causée par une perte d’eau dans les espaces extracellulaires, par exemple en raison d’une déshydratation systémique. La réduction des volumes extracellulaires déclenche le système rénine-angiotensine-aldostérone et l’aldostérone stimule ensuite la réabsorption du sodium (et donc de l’eau) dans le néphron du rein. Cependant, l’aldostérone est également responsable de la stimulation de l’excrétion rénale des ions hydrogène (en retenant le bicarbonate), et c’est cette perte qui élève le pH du sang.
  • Traitement diurétique : les diurétiques de l’anse et les thiazidiques peuvent initialement provoquer une augmentation du chlorure mais, une fois les dépôts épuisés, l’excrétion urinaire sera plus faible
  • Post-hypercapnie : l’hypoventilation (diminution de la fréquence respiratoire) entraîne une hypercapnie (augmentation du CO2), qui provoque par conséquent une acidose respiratoire. Une compensation rénale, impliquant la libération de grandes quantités de bicarbonate, est nécessaire pour réduire l’effet de l’acidose. Une fois que les niveaux de dioxyde de carbone reviennent à la normale, l’excès de bicarbonate persiste, induisant ce qu’on appelle une alcalose métabolique.
  • Fibrose kystique : une perte excessive de chlorure de sodium par la sueur entraîne une contraction des volumes extracellulaires (analogue à l’alcalose de contraction) et une déplétion en chlorure.

Résistant au chlorure (chlorure dans l’urine > 20 mEq/L)

  • Rétention de bicarbonate : la rétention de bicarbonate peut entraîner une alcalose.
  • Déplacement des ions hydrogène dans l’espace intracellulaire : c’est le même processus que celui décrit dans l’hypokaliémie. En raison de la faible concentration dans l’espace extracellulaire, le potassium pénètre dans les cellules. Afin de maintenir la neutralité électrique, l’hydrogène suit également le même chemin, augmentant ainsi le pH du sang.
  • Agents alcalinisants : les agents alcalinisants, tels que le bicarbonate (administré en cas d’ulcères gastro-duodénaux ou d’hyperacidité) et les antiacides, à doses excessives, peuvent entraîner une alcalose.
  • Hyperaldostéronisme : un excès d’aldostérone (typique du syndrome de Conn – adénome surrénalien) entraîne une perte d’ions hydrogène dans l’urine en augmentant l’activité de la protéine d’échange sodium-hydrogène dans le rein. Cela augmente la rétention des ions sodium, tandis que les ions hydrogène sont pompés dans le tubule rénal. L’excès de sodium augmente le volume extracellulaire et la perte d’ions hydrogène crée une alcalose métabolique. Le rein réagit alors en excrétant l’aldostérone afin d’excréter le sodium et le chlorure dans l’urine.
  • Consommation excessive de Glycyrrhizine (principe actif de l’extrait de réglisse)
  • Le syndrome de Bartter et le syndrome de Gitelman, deux maladies dont les traitements similaires consistent en l’association de diurétiques, même chez les patients normotendus.
  • Syndrome de Saint-Liddle : une mutation fonctionnelle des gènes codant pour le canal sodique épithélial (ENaC) caractérisée par une hypertension et un hypoaldostéronisme.
  • Déficience en 11β-hydroxylase et en 17α-hydroxylase : toutes deux caractérisées par une hypertension.
  • La toxicité des aminoglycosides peut induire une alcalose métabolique hypokaliémique par l’activation du récepteur du calcium dans le tractus ascendant du néphron, inactivant le cotransporteur NKCC2, d’une manière similaire à celle de Bartter.

Causes cliniques

Sensible au NaCl (avec contraction du volume)

  • Vomissements
  • Saignement de nez
  • Traitement diurétique
  • Post-ipercapnie
  • Entéropathie par dispersion du chlore

Résistant au NaCl (avec expansion du volume)

  • Hyperaldostéronisme primaire
  • Syndrome de Cushing
  • Stéroïdes exogènes ou médicaments à activité minéralocorticoïde
  • Hyperaldostéronisme secondaire (sténose de l’artère rénale, hypertension accélérée, tumeurs sécrétant de la rénine)
  • Déficience en 11- ou 12-hydroxylase surrénalienne
  • Syndrome du loup

Administration ou ingestion d’alcalins

  • Syndrome d’alcalinité du lait
  • HCO3- oral ou parentéral en cas d’insuffisance rénale
  • Conversion des précurseurs de HCO3- après une acidose organique

Différent

  • Rialimentation après un jeûne
  • Hypercalcémie avec hyperparathyroïdie secondaire
  • Pénicillines à forte dose
  • Sévère carence en K+ ou Mg++
  • Maladie de Bartter

Compensation

Compensation physiologique de l’alcalose métabolique

Dans sa forme pure, l’alcalose métabolique se manifeste par une alcalémie et une hypoventilation alvéolaire consécutive (réduction de la fréquence respiratoire). Le but est d’augmenter la pression de dioxyde de carbone (PaCO2) dans les artères, qui est à son tour nécessaire à la formation d’acide carbonique, lequel est nécessaire pour contrôler la variation du pH. Normalement, la PaCO2 artérielle augmente de 0,5 à 0,7 mmHg pour chaque 1 mEq/L de bicarbonate plasmatique et est très rapide.
La compensation respiratoire, cependant, est une réaction incomplète. La réduction de l’hydrogène supprime les chimiorécepteurs périphériques sensibles au changement de pH. Une augmentation de la pCO2 (causée par une hypoventilation) peut stimuler les chimiorécepteurs centraux, qui sont très sensibles aux changements de la pression partielle du dioxyde de carbone dans le liquide céphalorachidien, pour compenser. Suite à cette réaction, la fréquence respiratoire peut à nouveau augmenter.
La compensation rénale de l’alcalose métabolique est moins efficace que la compensation respiratoire et consiste en une excrétion accrue de bicarbonate, dépassant la capacité du tubule rénal à le réabsorber.

Diagnostic

Diagnostic de l’alcalose métabolique

Essai sanguin : dosage des électrolytes et des gaz

Une fois que les symptômes typiques de l’alcalose métabolique ont été reconnus, le diagnostic proprement dit est établi en mesurant la concentration des électrolytes et des gaz dissous dans le sang artériel. Parmi ceux-ci, le niveau de HCO3-, qui a généralement tendance à augmenter de manière significative, est particulièrement important. Toutefois, il est nécessaire de rappeler que l’augmentation du bicarbonate sanguin n’est pas l’apanage de l’alcalose métabolique ; au contraire, elle se produit également dans la réponse compensatoire à l’acidose respiratoire primaire.

Nous pourrions définir que, si la concentration de HCO3- atteint ou dépasse 35 mEq/L, il y a une très forte probabilité qu’il s’agisse d’une alcalose métabolique.

Diagnostic différentiel : analyse d’urine

Lorsque l’étiologie de l’alcalose métabolique est incertaine et que l’on soupçonne la prise de médicaments ou l’hypertension artérielle, d’autres tests peuvent être nécessaires. Les plus importantes d’entre elles sont la détermination des ions chlorure (Cl-) dans l’urine et le calcul de l’écart de concentration des anions sériques. Ce dernier paramètre est essentiel pour différencier l’alcalose métabolique primaire de la compensation de l’acidose respiratoire.

Conséquences

Conséquences cliniques

Les conséquences cliniques de l’alcalose métabolique sont :

  • Cardiovasculaire
  • Constriction antérieure
  • Diminution du flux coronaire
  • Abaissement du seuil angineux
  • Arythmies supra-ventriculaires et ventriculaires
  • Respiratoire
  • Ipoventilation, hypercapnie, hypoxémie
  • Métabolique
  • Stimulation de la glycolyse anaérobie
  • Hypokaliémie
  • Diminution de la fraction ionisée du calcemia
  • Hypomagnésémie et hypophosphatémie
  • Système nerveux central
  • Diminution du débit cérébral
  • Tétanie, convulsions, léthargie, délire, stupeur

Complications

Si, pour les raisons que nous verrons plus loin, les réactions physiologiques ne sont pas assez efficaces ou efficientes, le risque de troubles acido-basiques dits mixtes augmente. Par exemple, si l’augmentation de la PaCO2 artérielle est supérieure à 0,7 pour 1 mEq/L de bicarbonate plasmatique, l’état d’alcalose métabolique peut survenir en association avec une acidose respiratoire primaire. De même, si l’augmentation de la PaCO2 est plus faible, une alcalose respiratoire primaire se produit en plus de l’alcalose métabolique.

Thérapie

La prise en charge de l’alcalose métabolique dépend principalement de l’étiologie et de l’état de la personne. Dans certains cas, il est nécessaire d’intervenir directement sur l’alcalose en injectant dans le sang une solution intraveineuse au pH acide.